La chapelle fut édifiée par la volonté du comte Amédée VIII, qui deviendra huit ans plus tard le premier duc de Savoie, l’ermite de Ripaille et l’antipape Félix V. Petit-fils par sa mère du fastueux Jean, duc de Berry, et beau-frère du tout puissant duc de Bourgogne, Jean sans Peur, Amédée VIII se devait de posséder dans son château une chapelle digne de ses ambitions.
L’admirable chevet gothique campé, comme une proue de vaisseau sur le mur d’enceinte du château de Chambéry, fut élevé par le maître d’œuvre Nicolet Robert.
Claus de Werve, artiste célèbre du duc de Bourgogne, assura par ses conseils, la décoration sculptée de l’édifice.
Yolande de France, sœur de Louis XI, fera entreprendre la construction de la tour du clocher, tour qui aujourd’hui porte encore son nom. Des travaux d’embellissement furent effectués de 1511 à 1527, pour mieux honorer la relique du St Suaire alors conservée dans la Sainte-Chapelle.
Le 4 décembre 1532, un incendie accidentel endommagea l’intérieur du monument et les verrières ; ce n’est que quinze ans plus tard que les vitraux du chœur furent remplacés d’après les cartons du peintre et héraut d’armes chambérien Nicolas Masery lequel s’était inspiré d’une œuvre d’un grand peintre de la Renaissance italienne, Le Sodoma. C’est cette œuvre qui se peut admirer encore aujourd’hui.
A partir de 1506, le Saint Suaire, véritable palladium de la Maison de Savoie, est conservé à la Sainte-Chapelle dans une magnifique châsse d’orfèvrerie. Excepté une période de 25 années (1535 à 1561), le linceul demeurera en place jusqu’en 1578, date à laquelle il fut transféré par ordre d’Emmanuel-Philibert à Turin.
La façade de la Sainte-Chapelle fut réédifiée au milieu du XVIIème sur l’ordre de Christine de France. La belle porte en chêne de l’entrée fut sculptée par l’artiste et architecte franc-comtois, François Cuénot ; auteur également du magnifique buffet d’orgues mis en place en 1675.
Les habiles peintures à trompe-l’œil des voûtes datent de 1836. Exécutées dans le goût de la Restauration sarde, elles sont l’œuvre du peintre italien Vicario.
La vie musicale à la Chapelle
Amédée VIII, né en 1383 au château de Chambéry, aimait la musique et cette passion l’engagea à faire admettre cet art au rang d’une institution dans la vie religieuse de sa chapelle. Son épouse, Marie de Bourgogne, était bonne musicienne et jouait de l’orgue, en particulier celui nommé « Eschaquier » sorte de damier d’échecs pourvu d’un jeu de régale.
Son fils, le duc Louis, se liait d’amitié avec Guillaume Dufay, illustre musicien, chanteur, maître de musique, maître de chapelle, compositeur, qui séjourna à plusieurs reprises en Savoie.
En 1450, la « chapelle des chanteurs » trouvait en la chapelle ducale le cadre qui lui convenait, élégance et beauté architecturales, tout autant qu’une généreuse acoustique pour le chant. Neuf chanteurs, un organiste, un trompette et trois clercs de chapelle constituaient les effectifs attachés à la personne du souverain.
En 1460, aux cotés d’une vingtaine de chanteurs et musiciens résidants, d’autres venaient et repartaient au gré des échanges, apportant une substance artistique venue d’ailleurs.
En 1469, Yolande de France faisait réaliser des grandes orgues, accrochées en cul de lampe au mur de la chapelle. Elles étaient l’œuvre d’un facteur français nommé Jean Piaz, venu de Meaux. En 1476, la duchesse améliorait encore la chapelle musicale en créant le « collège des Innocents ».
C’est sous le règne de Philibert le Beau et de son épouse Marguerite d’Autriche que la chapelle ducale atteignait son apogée. Tous deux étaient attirés par les arts et par-dessus tout : la musique. Anthoine Brumel était nommé officiellement à la chapelle ducale en 1490. Au début du XVIème siècle, la chapelle ne comportait pas moins de 32 musiciens. En 1675, la seconde épouse de Charles Emmanuel II, Jeanne-Baptiste de Savoie Nemours, voulut, elle aussi, à la manière d’une réplique, doter la chapelle ducale de nouvelles orgues. Elle faisait appel, comme Yolande de France, à un facteur français : Étienne Sénot pour réaliser un instrument qui prit place en tribune dans un beau buffet œuvre de François Cuénot, architecte de Sa Majesté.
Les guerres mettant à mal le duché de Savoie au milieu du XVIème siècle, la chapelle ducale se dégradait, les musiciens partaient, les chanteurs émigraient vers d’autres cours. Pour l’infortuné Charles III la musique n’était plus qu’un élément décoratif secondaire. Le collège des Innocents se réduisit, mais perdura cependant jusqu’en 1779. Seules des cérémonies exceptionnelles faisaient revivre la chapelle.
Après la révolution, période de vague anticléricale à laquelle n’échappait pas la Savoie, il fallut attendre 1820 pour voir s’accomplir les premiers travaux de restauration. Plus près de nous, il faudra attendre 1975 pour que la chapelle, sous l’impulsion de la Société des Amis de la Sainte-Chapelle fondée en 1962, retrouve un orgue de concert, exécuté par les facteurs d’orgues Walter et Théo Haerpfer de la Manufacture Lorraine de Grandes Orgues. Le nouvel instrument pris alors place dans le buffet de Cuénot, seul valeureux rescapé.
Depuis, la Société des Amis de la Sainte-Chapelle anime musicalement la chapelle en donnant chaque année de nombreux concerts. En 2006 elle créé « l’Ensemble Baroque de la Chapelle Ducale », constitué par près de 30 musiciens, chanteurs et instrumentistes, jouant sur des instruments baroques. Elle institue, notamment, un cycle mensuel de diffusion des œuvres de Jean-Sébastien Bach de la haute teneur spirituelle que l’on sait. La chapelle ducale de Savoie renoue ainsi avec son prestigieux passé.
Zoom sur…
La Société des Amis de la Sainte-Chapelle
La Société des Amis de la Sainte-Chapelle a été fondée en 1962 à l’initiative de Monsieur le Préfet Roche alors en fonction en Savoie. Elle a pour vocation de promouvoir tout ce qui est susceptible de contribuer à la mise en valeur du monument sous le rapport de l’histoire et de l’art.
La Sainte-Chapelle du château de Chambéry est un édifice exceptionnel qui, dès le XVème siècle a fait partie de la vie de la Maison de Savoie et du peuple de ce pays par la beauté de son architecture et de ses vitraux, par l’éclat de son foyer musical, orgues, manécanterie, par la magnificence des cérémonies qui s’y sont déroulées, réceptions princières, mariages royaux. Il importait qu’un tel capital ne restât point en marge de la vie contemporaine et qu’il retrouvât, après divers avatars, sinon toutes ses anciennes fonctions, du moins une vocation conforme aux besoins du monde actuel. La Société des Amis de la Sainte-Chapelle s’y est employée avec l’aide de ses membres et sous le patronage des hautes autorités départementales & municipales. Elle a déjà entendu rappeler la présence en ce lieu du Saint Suaire aux XVème et XVIème siècles, elle a doté le sanctuaire de documents à disposition du public, elle a initié en 1975 la construction des grandes orgues et elle a organisé ou favorisé la diffusion de nombreux concerts. Depuis 2006, elle permet à de nombreux savoyards, ou hôtes de notre ville d’assister, à des concerts mensuels intitulés, « la Pause Bach », chaque premier vendredi des mois d’octobre à juin. Elle fait, en outre, la promotion de la restauration des grandes orgues dans le cadre du programme de rénovation du château promu par le Conseil Général et dont les travaux ont été achevés en 2010 pour le 150ème anniversaire du rattachement de la Savoie à la France.