Appelée Sapaudia au Moyen-âge, la Savoie devient un comté, puis un duché indépendant en 1416. Appartenant aux territoires princiers des ducs de Savoie, appelés États de Savoie, elle est annexée à la France par le traité de Turin le 14 juin 1860. L’année 2010 a marqué le 150ème anniversaire du rattachement de la Savoie à la France.
Cette chronologie n’a nullement la prétention d’être exhaustive. Elle a pour but de situer le processus de « l’annexion » de la Savoie dans son contexte, sans lequel l’intelligence de l’événement est impossible. La réunion de la Savoie à la France s’inscrit d’abord dans le cadre de relations internationales complexes et dans des évolutions de moyenne durée : nous en donnons ici les grandes lignes.
1815
La Savoie est rattachée à la France
Par décision de l’assemblée des Allobroges, la Savoie vote son rattachement à la France révolutionnaire. Ce rattachement est ratifié par la Convention le 27 novembre 1792.
1846
Restauration sarde. Régime dit du « Buon Governo »
Suite au Congrès de Vienne, la Savoie est rendue à la dynastie de Savoie. La monarchie absolue est rétablie.
Novembre 1812, Napoléon vient de perdre la campagne de Russie. Cet événement va redessiner entièrement la carte de l’Europe et notamment de la Savoie française qui est rendue au Duché de Savoie. Pour la population, cette période, connue sous le nom de « la Restauration », consistait au retour à la souveraineté monarchique…
Réformes libérales du royaume de Piémont – Sardaigne
En octobre et en décembre, le roi Charles-Albert, devant la poussée des revendications libérales dans les États d’Italie et en Piémont, concède les premières libertés.
Promesse d’une constitution, le Statuto
Devant la permanence de l’agitation, et par crainte d’une révolution, Charles-Albert promet une constitution. Elle est promulguée le 4 mars 1848. Les libertés fondamentales sont garanties et la vie politique fait son apparition. Un parlement est élu au suffrage censitaire (2 à 3 % de la population).
Proclamation de la République en France
Guerre entre le Piémont et l’Autriche
Charles-Albert déclare la guerre à l’Autriche le 23 mars 1848. Il compte venir en aide aux Lombards soulevés contre la domination autrichienne et fonder un royaume de Haute-Italie. Les armées piémontaises sont contraintes de signer un armistice (dit de Vigevano) le 9 août.
Affaires des Voraces
Des ouvriers venus de France tentent de proclamer la république en Savoie et espèrent l’annexion à la France. C’est un fiasco complet.
1ères élections au parlement de Turin
La Savoie (censitaire) se rend aux urnes pour la première fois depuis la période révolutionnaire. La liberté de la presse permet d’étaler au grand jour les divisions de l’opinion publique.
Nouvelle campagne contre l’Autriche – « échec de la 1ère guerre de libération »
Le Piémont relance les hostilités et essuie une défaite cuisante : la guerre n’a duré qu’une semaine et se solde par la défaite de Custozza. Le rêve d’une Italie unifiée sous le sceptre de la dynastie de Savoie s’éloigne. Charles-Albert abdique. Son fils, Victor-Emmanuel (II), lui succède. Le nouveau roi garantit que les libertés concédées en 1848 seront maintenues comme base du régime. Bientôt, le Piémont-Sardaigne est le seul régime libéral qui sort vainqueur du « Printemps des peuples ».
Lois Siccardi
Du nom du ministre, ces lois visent à restreindre les privilèges juridiques du clergé. Ces lois sont très importantes : elles marquent l’orientation « anticléricale » du gouvernement piémontais et soulèvent en Savoie méfiance et protestations. La droite, appuyée par le clergé, dominante en Savoie, devient une force d’opposition.
Coup d’état de Louis-Napoléon
Louis-Napoléon met fin à la Seconde République. La France n’incarne plus la révolution et les libertés en Europe. En décembre 1852, par plébiscite, l’Empire est rétabli.
Cavour est président du Conseil
Jouant un rôle important depuis 1850 (notamment comme ministre des Finances), Cavour accède aux fonctions de chef de gouvernement, qu’il ne quittera quasiment plus jusqu’en 1861. C’est un des grands hommes d’état du XIXème siècle européen. Sa politique suit avec obstination deux directions : la modernisation économique et l’unité italienne. Ces deux orientations sont deux sujets de mécontentement pour une grande partie de Savoyards qui estiment voir leurs intérêts sacrifiés au profit des intérêts du Piémont.
Lois Rattazzi
Représentant de la gauche, Rattazzi fait passer des lois vivement anticléricales (qui visent notamment les ordres et congrégations religieuses). Ces lois sont, plus encore que les précédentes (lois Siccardi, tentative d’instauration du mariage civil), fort mal reçues en Savoie.
Congrès de Paris – Guerre de Crimée
En 1855, le Piémont a participé aux côtés de la France et du Royaume-Uni à la guerre de Crimée contre les prétentions méditerranéennes de la Russie. Le Piémont n’avait aucun intérêt dans cette guerre. Il s’agit d’une habile manœuvre de Cavour qui lui permet de nouer des alliances internationales et, à terme, d’espérer un appui des grandes puissances dans le processus de l’unité italienne contre l’Autriche. Le Piémont est représenté au congrès de Paris qui suit la guerre de Crimée. Cette victoire diplomatique le fait modestement entrer dans le concert des grandes nations.
Ouverture de la ligne de chemin de fer entre Aix-les-Bains et Saint-Jean-de-Maurienne
Création à Turin de la Société Nationale Italienne
Dirigée par un exilé sicilien, La Farina, cette société politique, appuyée discrètement par le gouvernement, prône l’indépendance et l’unité de l’Italie autour de la Maison de Savoie.
Inauguration de la percée du Mont-Cenis
Incarnation de la modernité au XIXème siècle, le chemin de fer est également perçu comme un gage de prospérité. Il est aussi l’occasion de tisser des liens économiques (capitaux nécessaires) et politiques avec les puissances étrangères (la France, le Royaume-Uni). Un vaste débat est engagé : la question fondamentale est le rôle pivot que doit tenir la Savoie entre France et Piémont.
Attentat d’Orsini
Un patriote italien attente à la vie de Napoléon III, lui reprochant de n’avoir pas tenu les engagements de la France à l’égard des « nationalités », en l’occurrence de la cause des patriotes italiens. L’imprévisible empereur va réorienter sa politique et s’intéresser davantage à la « question italienne ». C’est un tournant de la politique internationale.
Entrevue de Plombières
Conséquence directe de l’attentat d’Orsini, Cavour rencontre secrètement Napoléon III dans la station thermale des Vosges. L’Empereur promet assistance militaire au Piémont en cas de guerre (défensive) contre l’Autriche. En échange, Cavour promet la cession de la Savoie à la France. La question du comté de Nice est différée.
Ultimatum de l’Autriche au Piémont – 2ème « guerre de libération »
Conformément aux espoirs de Cavour, l’Autriche exige du Piémont de cesser ses (provocatrices) démonstrations militaires. Cet ultimatum conduit à une déclaration de guerre de l’Autriche et permet l’intervention de la France.
L’entrée en guerre du Piémont entraîne des agitations révolutionnaires dans les autres Etats italiens où il apparaît un mouvement en faveur du rattachement au royaume du Piémont. Ce mouvement d’opinion relance les tractations entre Cavour et Napoléon III, dont le consentement est indispensable : le processus de rattachement implique la marche vers l’unité de la péninsule et la remise en cause de l’ordre international.
Les troupes françaises traversent la Savoie
Campagne militaire victorieuse du Piémont et de la France
Sous le commandement militaire français, les Autrichiens sont battus (Montebello, Palestro, Magenta, Solferino) et chassés en partie de l’Italie du nord. Napoléon III signe néanmoins un armistice avant l’aboutissement total de la campagne militaire : c’est la paix de Villafranca, le 11 juillet 1859 : N’ayant pas rempli l’intégralité de son contrat, Napoléon III n’est pas en mesure de réclamer la Savoie.
Débat sur l’Annexion à la France
En Savoie, le débat sur l’Annexion à la France prend un caractère public par le biais de brochures et d’articles de presse. Les conservateurs, déçus par la politique piémontaise et redoutant l’isolement de la Savoie au sein d’une Italie unifiée, plaident pour le rattachement à la France. En faveur de cette option, joue l’attitude conciliante de Napoléon III à l’égard du clergé français, tandis que le Piémont persévère dans sa politique de sécularisation. On attend aussi de l’intégration à la France une plus grande prospérité économique.
Plébiscite en Emilie et en Toscane
Par plébiscite, l’Emilie et la Toscane sont rattachées au Piémont. L’unité italienne est en marche.
Intenses tractations diplomatiques
Une délégation des Savoyards favorables au rattachement est reçue aux Tuileries. Au fond, le principe de la cession de la Savoie est acquis, mais les formes restent à préciser : les modalités du transfert (vote ou non) et la question de la Savoie du nord plutôt favorable à un rapprochement avec Genève.
Traité de Turin : cession de la Savoie et du comté de Nice à la France
Victor-Emmanuel II « consent à la réunion de la Savoie et de Nice […], étant entendu que cette réunion sera effectuée sans nulle contrainte de la volonté des populations ». En échange, Napoléon III appuie le processus d’unification des États italiens sous l’égide du Piémont.
Le 21 mars 1860, les conseils divisionnaires du Duché se réunirent. Il fut décidé de l’envoi d’une délégation de 41 savoisiens (nobles, bourgeois, officiers ministériels), menée par le Comte Amédée Greyfié de Bellecombe. Ils furent reçus solennellement aux Tuileries par l’Empereur, et le 24 mars 1860 le traité d’Annexion fut signé et publié, ce fut le Traité de Turin.
Victor-Emmanuel délie ses sujets savoyards de leur serment de fidélité
Plébiscite dans le comté de Nice
25.743 « favorable », 4.779 « abstention », 160 contre l’annexion, soit 25.933 votants pour 30.712 inscrits.
Plébiscite en Savoie
130.533 « oui » (ou « oui et zone », pour la Savoie du nord favorable à des liens économiques avec Genève), 235 « non », 71 nuls, soit 130.839 votants pour 135.449 inscrits.


Expédition des Mille
A l’appel des patriotes siciliens insurgés, Garibaldi, à la tête de volontaires, conquiert militairement l’île et en septembre 1860, poursuivant l’offensive, Garibaldi s’empare de Naples au nom de Victor-Emmanuel : l’Italie du sud est conquise. Mais Garibaldi, de tendance républicaine, n’inspire guère confiance : les troupes piémontaises marchent vers la Sicile, annexant au passage les Marches et l’Ombrie.
La Savoie est officiellement remise à la France
Cérémonies de passations de pouvoirs.

Affiche Rattachement de la Savoie à la France
Voyage du couple impérial en Savoie
L’Empereur Napoléon III et l’Impératrice Eugénie sont les hôtes d’Annecy du 29 au 31 août 1860, à l’occasion des festivités pour le rattachement de la Savoie à la France. En l’honneur de leurs majestés, la ville organise une fête de nuit lacustre qui marque l’origine de la traditionnelle Fête du Lac.

Illuminations lors du passage de l’Empereur Napoléon III et l’Impératrice Eugénie, le 30 août 1860
Des plébiscites sont organisés dans les Deux-Siciles, les Marches et l’Ombrie
Leur rattachement à la couronne de Victor-Emmanuel est voté. Presque toute la péninsule est passée sous le sceptre de la maison de Savoie.
En Savoie, 1ères élections au parlement français
Victor-Emmanuel est proclamé roi d’Italie
L’Italie entre en guerre aux côtés de la Prusse contre l’Autriche
La supériorité militaire de la Prusse (bataille de Sadowa) se révèle à l’Europe. L’Italie obtient la cession de la Vénétie, dans laquelle un plébiscite est organisé.
Les troupes italiennes s’emparent de Rome, qui devient capitale du royaume d’Italie
Le statut de Rome, ville pontificale au rayonnement universel, avait provoqué de forts dissentiments avec la France qui protégeait la ville du pape. Avec la « chute de Rome », l’unité italienne est totalement achevée.
L'histoire de la Savoie ne s'arrête pas là...
Le Comté de Savoie apparaît en l’an 1032. C’est une période emplie de religion : on construit les chartreuses et on part en croisade, mais aussi une période de souffrance avec la peste et les famines liées aux aléas du climat. Chaque petit seigneur essaye de se faire une place par les armes ou par les alliances…
Le Comté de Savoie devient un Duché. S’ensuivent 3 siècles d’alliances, de guerres et d’occupations durant lesquels on verra un duc de Savoie devenir Pape, la possession du Saint-Suaire et le déplacement de la capitale de Savoie à Turin.
Les temps changent, on invente l’imprimerie et on découvre l’Amérique…
Rois de Sicile en 1713 puis rois de Sardaigne en 1720, les ducs de Savoie et souverains piémontais poursuivent tour à tour une politique de mécénat artistique, transformant au XVIIIème siècle la cour et la ville de Turin en un grand centre actif de création stylistique et culturelle.
Janvier 1794, en France, le gouvernement révolutionnaire détient l’autorité suprême, et lance une virulente réprimande contre les Religieux de Savoie. Quelques années plus tard, les savoyards rebâtiront leurs clochers, donnant naissance à la célèbre fonderie des cloches Paccard…
Novembre 1812, Napoléon vient de perdre la campagne de Russie. Cet événement va redessiner entièrement la carte de l’Europe et notamment de la Savoie française qui est rendue au Duché de Savoie. Pour la population, cette période, connue sous le nom de « la Restauration », consistait au retour à la souveraineté monarchique…
Appelée Sapaudia au Moyen-âge, la Savoie devient un comté, puis un duché en 1416. Elle est annexée à la France par le traité de Turin en 1860…
4 commentaires
[…] https://123savoie.com/rattachement-savoie-a-la-france/ […]
Bravo, un très joli travail de recherche.
Je ne connais pas la personne qui a réalisé le site, mais bravo madame ou monsieur.
Je vous laisse un site à voir aussi : savoie-nice.jimdofree.com
merire bojcoup jaime beaucou votr acrticle !!!!!!!!!
merci pour ces infos précises qui enrichissent mes recherches. !!! c’est precis, court et explicite !!! bravo !!