Dossier – France
Le 2 avril, Journée Mondiale de sensibilisation à l’Autisme
« Éclairez en Bleu »
« Éclairez en Bleu » (Light It Up Blue) est une initiative d’Autism Speaks, la plus grande organisation américaine dans le domaine scientifique et de soutien pour l’autisme. Dans le cadre de cette initiative, les organisations de l’autisme à travers le monde incitent à illuminer en bleu pendant la nuit du 2 avril, des monuments symboliques, des hôtels, des complexes sportifs, des salles de concerts, des musées, des ponts, des commerces, des maisons et d’autres bâtiments pour une nuit au début du mois d’avril. Le but est de lancer un mois d’activités et d’événements de sensibilisation à l’autisme dans le monde entier tout au long du mois d’avril.
L’autisme est un trouble neuro-développemental précoce, c’est-à-dire un trouble du développement du système nerveux qui se manifeste avant l’âge de deux ans. L’autisme est caractérisé par des troubles de la communication, des intérêts restreints ou des comportements à caractère répétitif, ainsi qu’une forte résistance au changement. Environ 700.000 personnes en France ont un trouble du spectre de l’autisme.
Autisme France est une association nationale de familles touchées par l’autisme, créée en 1989. Elle est reconnue d’utilité publique depuis le 11 juillet 2002 et elle a l’agrément « usagers du système de santé » depuis mars 2013. Elle diffuse les connaissances et des informations concernant les bonnes pratiques pour les personnes autistes. Elle assure un service d’accueil et d’informations téléphoniques pour les familles, elle cherche à influencer l’élaboration des politiques publiques par des actions de plaidoyer. Autisme France rassemble environ 10.000 personnes dont un millier de membres directs et 9.000 à travers son réseau des associations membres.
Le taux de prévalence varie entre 1 et 2 %, plus près de 2 que de 1. Il y a donc au minimum 700.000 personnes autistes en France. En 2010, seules 75.000 personnes avec un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) étaient diagnostiquées et prises en charge dans le secteur médico-social et moins de 20% d’entre elles bénéficiaient d’un accompagnement au sein d’une structure dédiée, selon les chiffres du plan autisme 3. En 2017, La Cour des Comptes soulignait que les deux tiers des enfants et près de 80% des adultes sont accueillis dans des établissements généralistes qui n’ont pas reçu un agrément spécifique autisme. Il y a là une source de maltraitance par défaut grave et une violation de l’article L 246-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles qui garantit à chaque personne autiste une intervention adaptée à ses besoins.
Trois plans autisme, une stratégie depuis le 6 avril 2018, qui n’ont pas servi à changer significativement la situation. Les raisons en sont connues :
– Toujours pas d’études épidémiologiques dignes de ce nom
– Pas d’indicateurs de suivi
– Pas de moyens pour rendre opposables les recommandations de bonnes pratiques
– Aucune initiative pour refondre les formations initiales des professionnels
– Peu de respect pour les personnes et leurs familles, leurs besoins, leurs droits
– Aucune campagne d’information nationale sur l’autisme
– Abandon quasi-total des adultes, en particulier des plus vulnérables
Objectif autonomie
Il est dommage d’avoir ouvert la 5ème branche autonomie de la Sécurité Sociale, sans avoir réfléchi collectivement à la définition et au contenu de ce concept. La seule définition officielle de l’autonomie sur laquelle on puisse s’appuyer se trouve dans le préambule au guide-barème : « Cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en œuvre une personne, vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne« .
On mesure à quel point il est important de définir le concept d’autonomie, puisqu’il conditionne l’attribution du taux d’incapacité par les MDPH, à travers le guide-barème. Elle concerne les enfants comme les adultes. Le préambule met bien en avant différents éléments essentiels :
- l’autonomie est liée à la vie sociale,
- quand elle est entravée, ce qui aboutit à une « gêne notable », elle peut faire l’objet d’une compensation par des efforts personnels ou une compensation extérieure
- l’entrave peut être « majeure » et menacer alors l’autonomie individuelle.
Il est très regrettable que cette autonomie ne soit mesurée qu’en termes d’entretien personnel, de déplacement à l’intérieur du logement, et de besoins de surveillance, alors que pour les personnes autistes, d’autres critères devraient être pris en compte pour acquérir des formes d’autonomie, quel qu’en soit le niveau, faire des apprentissages académiques à tout âge, savoir interagir et maîtriser son environnement social, etc…
Le diagnostic
La première condition à l’autonomie, c’est la réalisation des bilans fonctionnels diagnostiques qui vont permettre d’évaluer les besoins et de construire le plan d’aide à la réponse appelée par ces besoins : rééducations, compensation par une aide humaine. Il est impératif de repérer le plus vite possible les retentissements fonctionnels de l’autisme dans les domaines concernés : cognitif, socio-émotionnel, gestion du stress et de l’anxiété, apprentissages, etc… conformément aux classifications internationales et aux recommandations de bonnes pratiques.
En 2021, malgré des progrès, le diagnostic reste largement inaccessible ou beaucoup trop tardif : 50 % des enfants et 90 % des adultes n’en ont aucun de correctement posé. Par ailleurs les évaluations fonctionnelles indispensables pour construire les projets d’intervention sont rarement faites. Les CRA ont été invités à réduire les listes d’attente, mais nous ne savons pas vraiment de quelle manière.
« Si nous nous réjouissons qu’existent enfin pour les médecins de première ligne (généralistes, pédiatres) une consultation spécifiquement codée de suivi des enfants autistes, et une autre de repérage diagnostique des enfants autistes de 0 à 6 ans, nous ne comprenons pas comment ces deux réelles avancées s’articulent avec le lancement annoncé des plateformes forfait précoce, pour les 0-6 ans, qui concernent non l’autisme mais l’ensemble des troubles neuro-développementaux, avec des grilles de repérage tous TND, où l’autisme n’est cité qu’en bas de page, jamais articulées avec les recommandations autisme. Ces plateformes sont confiées aux lignes 2, CAMSP, CMP et CMPP dont le rapport IGAS sur le sujet a montré la très large incompétence sur ce sujet, que ce soit en termes de diagnostic ou de projets d’interventions, limités en l’état à 30h annuelles de psychomotricité et/ou ergothérapie, forfaits très insuffisants pour l’autisme ; devrait s’y ajouter un forfait pour les interventions de psychologues, mais qui restera dans ce faible nombre d’heures. Pour le moment, nous ne savons pas quels troubles ont été diagnostiqués. L’absence d’accès direct aux plateformes est un vrai handicap pour les familles, le recours obligatoire à un médecin, alors qu’existent de vrais déserts médicaux, un autre obstacle« , précise Autisme France.
L’impossibilité d’accéder à un diagnostic et une intervention précoces est la première menace qui pèse sur l’autonomie des personnes autistes : plus on commence tôt les interventions, plus on leur donne de chances de développer leur autonomie et leurs compétences, y compris académiques. Aux adultes privés de diagnostic pendant des dizaines d’années parfois, on doit réparation des dégâts commis et de la perte de chance qu’ils entraînent. Or, les adultes n’ont quasiment aucune aide à leur disposition et la Prestation de Compensation du Handicap leur est rarement accessible.
La scolarisation
Sur les 100.000 enfants autistes, nombre évalué par la Cour des Comptes, l’Éducation Nationale en repère 36.000 scolarisés (sans qu’on sache de quelle manière et à quelle hauteur) et 13.000 dans le médico-social (sans qu’on sache non plus comment et avec quels objectifs : le Projet Personnalisé de Scolarisation ne les concerne pas). Il manque donc la moitié des élèves autistes potentiels : où sont-ils ? Nous savons tous que l’Éducation Nationale en exclut beaucoup, avec une large complicité des MDPH.
Beaucoup d’enfants sont peu scolarisés, sans même que les parents aient pu manifester leur avis ; sans AESH, ils sont rarement acceptés ; les interventions éducatives qui pourraient développer leur autonomie manquent cruellement : les SESSAD manquent cruellement, le numerus clausus des orthophonistes, jamais revu, accentue une pénurie déjà alarmante et des listes d’attente monstrueuses, alors qu’il faut agir vite pour outiller l’enfant d’un moyen de communication. Beaucoup d’hôpitaux de jour et d’établissements continuent à faire des activités occupationnelles, de la pataugeoire, des jeux, au lieu d’investir massivement dans le soutien des compétences d’apprentissage des enfants. Ce gâchis humain perdure, car les familles n’ont pas les moyens de financer les libéraux qui pourraient aider davantage leurs enfants. Mais le contribuable continue à financer par milliards des services incompétents et maltraitants.
Les adultes
Aujourd’hui, en l’absence de diagnostic et d’intervention précoces et de soutien éducatif depuis le plus jeune âge, la situation des adultes autistes est catastrophique : c’est l’accès à l’autonomie de dizaines de milliers d’adultes qui est menacée, par bêtise, incompétence, et absence d’effort pour adapter l’offre existante aux besoins des personnes concernées. On leur doit réparation des gâchis accumulés et des pertes de chances qu’ils ont entraînés, par une compensation encore plus grande de leurs besoins pour accéder à l’autonomie sociale et citoyenne.
« Beaucoup sont obligés d’être exilés en Belgique… »
« Développer leur autonomie, c’est les faire accéder en urgence aux bilans fonctionnels nécessaires, ouvrir les services d’accompagnement indispensables, former et financer correctement les services à domicile, ce qui suppose de rendre les personnes autistes éligibles à la Prestation de Compensation du Handicap, réparer les gâchis dans les apprentissages jamais faits ou interrompus à l’âge adulte, ouvrir pour les plus vulnérables de petites unités de vie, ouvertes sur la cité, avec des professionnels bien formés, supervisés et en nombre suffisant. C’est respecter leurs choix de vie, leurs besoins sensoriels, leurs goûts, leurs compétences d’apprentissage, et faciliter leur auto-détermination« , indique Autisme France.
Beaucoup d’adultes autistes, atteints de troubles graves et ne pouvant accéder au milieu ordinaire, ne trouvent pas de place dans les établissements spécialisés qui ont des listes d’attente interminables. Beaucoup sont obligés d’être exilés en Belgique. Cette situation est d’abord due à l’abandon de ces personnes : pas de soutien éducatif pendant l’enfance, ou rupture avec ce soutien, pas de moyen de communication, pas de structuration de l’espace et du temps : même le B.A.Ba est souvent inconnu dans les services pour adultes. Les 90 millions d’€ annoncés sur 3 ans, dont seulement 18 % iront à l’autisme (alors que la proportion de personnes autistes est bien supérieure, 39 % disait un rapport IGAS), ne nous rassurent pas. Par ailleurs, très peu de structures développent des projets éducatifs de qualité.
La formation des professionnels et l’exigence de qualité des interventions
La formation de tous les acteurs de l’intervention en autisme est indispensable pour développer l’autonomie des personnes autistes. Les professionnels doivent être formés aux bilans fonctionnels avec des outils scientifiquement validés, aux interventions scientifiquement validées, au respect de l’auto-détermination des personnes, au respect de la loi de 2002 qui donne aux usagers le libre choix des prestations, et pas aux associations gestionnaires. Seule la certification Handéo qui devra s’étendre aux organismes de formation permet de vérifier cette adéquation des besoins des personnes et de la réponse en termes de prestations.
Les droits des familles
Le développement de l’autonomie est conditionné au développement de services d’aide, de vacances, de répit et de formation pour toutes les familles qui les sollicitent, au respect des droits des personnes dans les MDPH, à la modification des outils d’évaluation qui, en l’état, empêchent d’y accéder.