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La forteresse de Chignin

8 mn de lecture

La Forteresse de Chignin

Mise en ligne : Sergio Palumbo, Daniel Bouvier-Belleville et Stéphane Coppier, 123 Savoie
La reproduction, même partielle, des photos publiées dans cet article est strictement interdite sans l’accord des auteurs

Forteresse de Chignin
Forteresse de Chignin - © 123 Savoie
Blason des Seigneurs de Chignin
Blason des Seigneurs de Chignin

Nous savons peu de chose sur l’origine du château de Chignin.

Il est possible que cette position élevée, située à mi-chemin entre Chambéry et Montmélian, ait abrité un camp retranché. En effet à l’époque romaine le bas de la vallée n’était qu’un marécage et la voie romaine ne pouvait que passer sur les hauteurs (Guichenon et Albanis Beaumont pensent que le château fut bâti au début du VIIIème siècle soit entre 725 et 740).

carte Chignin © 123 Savoie

L'histoire commence au 8ème siècle

L’Europe était plongée dans la consternation et l’épouvante devant les hordes de barbares. Les sarrasins arrivaient dans les Alpes. Deux Princes Français, Charles Martel et Eudes d’Aquitaine, accablés par ces invasions et destructions réunirent leurs légions.

732
29 octobre
Occupation des sarrasins

Les sarrasins sont taillées en pièces entre Poitiers et Tours. Après cette débâcle, les sarrasins se retirèrent sur les Alpes. Cette défaite les rendit furieux et ils mirent à mal tout ce qu’ils rencontrèrent sur leur passage. En arrivant en Tarentaise et en Maurienne, les sarrasins s’y installèrent et fortifièrent les lieux.

Pendant près de deux siècles ils occupèrent les hautes vallées savoyardes.

950
Occupation des sarrasins

Conrad, Roi de Bourgogne, leur tendit un piège près d’Argentine en Maurienne. Les savoyards ne restèrent pas inactifs en voyant les invasions périodiques et construisirent des châteaux, des tours, et des camps où la population pouvait venir s’y retrancher en cas d’attaque.

Les seigneurs de Chignin

L’origine de la famille de Chignin est incertaine. Mais il est fort probable que le chef de cette famille était un officier délégué par Charles Martel ou Eudes d’Aquitaine. Ils devaient organiser la résistance contre les hordes sarrasines.

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Distribution des terres

Izarn, évêque de Grenoble, après avoir battu et chassé les sarrasins, se déclara souverain des terres ainsi gagnées. Il distribua, les fiefs restés vacants, aux seigneurs qui l’avaient secondé. Il confirma dans leurs possessions ceux qui avaient participé à la guerre. Les seigneurs de Chignin en faisaient partie.

Pendant près de six siècles la famille de Chignin a joué un rôle remarquable dans l’histoire de la Savoie. On compte nombre de personnages illustres, des diplomates, des archevêques, des Saints canonisés.

Un système d'alerte ingénieux

Le château de Chignin faisait parti d’un système de feu d’alerte en cas d’invasion barbare venant des hautes vallées. Ainsi Chambéry était prévenu par l’intermédiaire du château de Monterminod, précédé par le château de Chignin, d’Apremont, des Tours de Montmayeurs, du château de Miolans, de Montailleurs, de Chevon, de Conflans pour la vallée de Tarentaise et de Charbonnières pour la vallée de Maurienne.

Les tours n’ont pas été construites au hasard. Elles ont été bâties à des endroits stratégiques.

Entrée du château de Chignin - © Daniel Bouvier-Belleville
Entrée du château de Chignin - © Daniel Bouvier-Belleville

Le château de Chignin s’étendait sur plus de quatre hectares composé de six tours et d’un château fort. Le tracé des fortifications a été fait suivant les avantages et accidents du terrain pour rendre l’accès difficile et le château imprenable.

Depuis le XVIème siècle la maison forte a porté le nom de château de la Biguerne. Jean Ruffin de la Biguerne, Seigneur dans la Bresse et parent de Saint Anthelme, fit restaurer le château et bâtir une chapelle en l’honneur de l’évêque de Belley.

6 tours, aux usages différents

Les six tours avaient toutes des noms particuliers qui désignaient en général leurs usages :

  • La 1ère tour du coté du couchant, au dessus du château, était appelée la tour des archers. De son sommet on dominait les routes qui aboutissaient aux fortifications, on pouvait ainsi en défendre l’approche.
  • La 2ème tour, plus au Nord, était appelée le tour de la Place. Elle défendait de ce coté, l’entrée principale de l’enceinte et elle dominait le long plateau qui servait de place d’arme et de champ clos pour les joutes et les tournois.
  • La 3ème tour était appelée la tour de Bourdeau, du nom d’une famille qui en était propriétaire au XVème siècle. Elle servait de défense à l’extrémité septentrionale des fortifications. L’ancienne église du château et le cimetière étaient situés entre ces deux dernières tours.
  • La 4ème tour située sur la ligne opposée du cotée Nord-Est, était appelée tour du Villard, car elle dominait et protégeait le hameau du même nom.
  • La 5ème tour, en descendant au midi, était nommée la tour des prisonniers.
  • La 6ème tour entièrement détruite, était au midi de la précédente. On l’appelait la tour de Verdum, placée à l’extrémité du plateau sur lequel était bâti le château fort. Elle surveillait le vallon de Chignin et servait de communication avec les tours détachées.

La plupart des tours étaient flanquées ou entourées de plusieurs petits bâtiments qui servaient d’habitation aux soldats et gardiens. A cause de cela, on crut que la place de Chignin était formée de plusieurs châteaux. Ce vaste camp retranché était soumis au même commandant. On peut penser qu’à l’extinction de la famille de Chignin, plusieurs nobles se soient partagés l’ensemble défensif.

Les restes du mur d’enceinte nous permettent d’estimer que ce dernier devait faire environ un mètre d’épaisseur sur quatre mètres de haut. Ce mur était flanqué régulièrement de petites tours rondes tout les trois ou quatre mètres. On trouvait en dehors du mur d’enceinte plusieurs tours. L’une d’elle placée en dehors du hameau du Villard était appelé la tour de l’Hérodaz. Une autre était placée sur une butte appelée la Platière qui dominait l’église et le presbytère de Chignin.

Forteresse de Chignin
Forteresse de Chignin © Daniel Bouvier-Belleville - 123 Savoie

Une autre encore appelée la tour de la Fontaine, était placée au bas de la montagne, au dessus des hameaux de Chignin et du vivrier. Elle servait à abriter et défendre une source d’eau abondante.

La construction de l’ensemble fortifié fut réalisée par une personne ayant de très bonnes connaissances sur les systèmes défensifs. Les tours n’ont pas été construites au hasard. Elles ont été bâties à des endroits stratégiques, pouvant se soutenir mutuellement les unes aux autres. Les seigneurs de Chignin qui étaient à l’origine de la fortification du lieu n’avaient au départ qu’une utilité : mettre à l’abri la population des invasions barbares.

L’intérieur de l’enceinte était divisée en trois parties :
– La partie inférieure de l’enceinte, celle qui était le plus au midi et la plus proche du château était réservée pour les jardins et les cultures d’agrément.
– Le centre était occupé par des bâtiments destinés à divers usages, comme les magasins, ateliers, habitations d’ouvriers.
– La troisième partie qui s’étendait au nord des habitations jusqu’aux murs d’enceinte servait de place d’armes et de champs clos pour les joutes et les tournois.

Les seigneurs de Miolans et de Montmayeurs, jaloux des Barons de Chignin, n’attendaient qu’une occasion pour les renverser.

Mais le mystère perdure. Comment une telle famille put s’éteindre brutalement au XVème siècle ?

Les seigneurs de Ruffin de la Biguerne achetèrent le fief de Chignin une fois la lignée des Chignin éteinte en 1558.

Leur première action fut de faire construire une chapelle en l’honneur de Saint Anthelme.

Tour de Biguerne à Chignin
Tour de Biguerne à Chignin, transformée en chapelle dédié à St anthelme © 123 Savoie

Destruction du domaine fortifié

On ne sait que peu de chose sur la destruction du domaine fortifié de Chignin.
Mais en voici une chronique recueillie auprès des anciens dans les années 1880 :

« Les seigneurs de Miolans et de Montmayeurs, jaloux des Barons de Chignin, n’attendaient qu’une occasion pour les renverser. Profitant de la minorité du Comte Amédée VI de Savoie et du départ de la plus grande partie des seigneurs pour la croisade en 1345, ils organisèrent un convoi marchand. Ce dernier devait se rendre à Genève. Chaque bête de somme portait de grandes caisses pour contenir les marchandises. Le convoi se présenta aux portes de la forteresse à une heure avancée de la nuit.

Au bout d’une longue tractation ils furent autorisés à entrer pour y passer la nuit et pour qu’au matin la taxe de passage puisse être prélevée. Au plus calme de la nuit un signal fut donné et les caisses s’ouvrirent pour laisser sortir des hommes armés. Les portes de la forteresse furent ouvertes afin de laisser entrer le Seigneur de Montmayeur caché à l’extérieur avec ses troupes. Après le massacre et le pillage, le feu fut mis à tous les bâtiments. Comment prouver ensuite qui pouvaient bien être les coupables. Mais la population ne s’y trompa pas, ils montèrent du doigt les seigneurs de Miolans et de Montmayeur. Au retour de croisade des fils du Baron de Chignin, ils essayèrent d’obtenir justice. Mais des complications politiques et de nouvelles guerres incessantes les empêchèrent d’obtenir réparation. Ils firent alors restaurer le château principal et abandonnèrent le reste de la forteresse ».

 



Voici la liste de succession des titres de propriété du domaine de Chignin :

 En 1526, reconnaissance de fief en faveur de Claude Allemand et demoiselle Françoise de Chignin, son épouse.
 En 1542, François Allemand leur fils vendit le fief à noble Pierre de Calure.
 En 1558, demoiselle Philiberte de Calure le vend à Jean de Ruffin de la Biguerne, qui en reçut l’investiture en 1563.
 En 1669, Ruffin de la Biguerne, après avoir restauré le château de Chignin, le vendit à noble Aynard Carron.
 En 1700, Noble Hacynthe Favier, époux de Marie Carron, reconnut le fief et la rente indivise avec le seigneur de la Place.
 En 1734, demoiselle Carron, veuve Favier, fit le consignement du fief.
 En 1753, Aynard Favier, colonel d’infanterie, demanda l’investiture de la maison forte de la Biguerne, soit des tours de Chignin, avec vignes, prés, bois et rentes. Quelques années plus tard, une demoiselle Favier, épousât le Marquis Paul d’Oncieu, et reçut en dot le château de Chignin et les propriétés qui en dépendaient.
 En 1812, le Marquis d’Oncieu vendit la tour de la Biguerne et une part de vignes au Comte de Clermont de Vars.
 En 1854, le Comte de Clermont de Vars vendit au Baron Angley, la tour du château de Chignin convertie en cellier et en habitation rustique, et les vignes qu’il possédait audit lieu.
 En 1867, le Baron Angley, vendit la tour de la Biguerne et tout l’emplacement occupé par l’ancien château, aux RR. Pères Chartreux qui élevèrent sur ses ruines, en conservant avec soins les anciens murs, une magnifique chapelle en l’honneur de Saint Anthelme.

L'histoire ne s'arrête pas là...

Saint Anthelme vit le jour au château de Chignin, vers l’an 1106, fils d’Hardouin gentilhomme de Savoie, de l’ancienne maison de Migain et d’une dame d’une naissance également illustre…

Dans la nuit du 24 Novembre 1248, le Mont Apremont s’effondra. On lui donnera le nom de l’un des villages disparus : le Mont « Granier »…

Le texte le plus ancien où il est fait mention de Myans, est le Cartulaire de Saint Hugues, évêque de Grenoble, au XIIème siècle…

Avec ses 250 mètres d’à-pic, le château médiéval de Miolans surplombe Saint-Pierre d’Albigny et mérite amplement son surnom de « Bastille des Alpes »…

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1 commentaire

Freschi Louis 19 mai 2023 - 15 h 31 min

Votre présentation des Tours de Chignin reprend en grande partie l’interprétation très fantaisiste et critiquable de l’abbé Tiollier, donnée en 1877 sans étude sérieuse du site, des vestiges et des documents d’archives correspondants. Les publications ultérieures (Gabriel Pérouse, L’abbé Cartier, l’abbé Félix Bernard, Bernard Demotz, Michèle Brocard, Marie-Pierre Feuillet, Louis Freschi et MarcTissot) montrent que cette vieille interprétation est surtout le fruit de l’imagination de l’abbé et de ses paroissiens et qu’elle doit être abandonnée. Un château primitif de Chignin, dans lequel est né Saint Anthelme en 1107, a bien existé au XIe siècle. Réaménagé à partir du XIIIe siècle et dénommé « Château de La Biguerne » à partir du XVe, il était de taille modeste avec une seule tour carrée et une enceinte que les Chartreux ont relevée sur ses fondations en 1877. On possède de ce château le dessin de sa silhouette en 1600 sur une gravure de Claude Chastillon, et un plan de ses ruines en 1875. Sur son emplacement se trouve aujourd’hui la Chapelle de Saint Anthelme et une terrasse construites en 1877 par les Chartreux. Les autres tours du site sont des vestiges de maisons fortes distinctes construites au XIIIe siècle par des familles différentes, dont plusieurs étaient apparentées aux Chignin.
Voir au besoin notre mise au point dans l’ouvrage « Les Tours de Chignin, leur histoire, leur énigme » Gap Éditions, 2021.

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