Les Régions Rhône-Alpes et Piémont se sont émues du peu d’avancées constatées dans le développement de l’autoroute ferroviaire alpine alors qu’il s’agit de la première mesure concrète favorisant le report modal en attente de la réalisation du tunnel de base (Lyon – Modane – Turin). A cet effet, une lettre a été adressée par Jean-Jack Queyranne, Président du Conseil régional Rhône-Alpes et Mercedes Bresso, Présidente de la Région Piémont au Premier Ministre, François Fillon et au Président Italien du Conseil des Ministres, Romano Prodi au sujet de la liaison ferroviaire Lyon / Turin.
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président du Conseil des Ministres,
Vous êtes parfaitement conscients des enjeux que représente pour nos deux Régions la réalisation de la liaison ferroviaire fret et voyageurs entre Lyon et Turin. Les déclarations successives des gouvernements Français et Italiens en témoignent.
Ce projet est essentiel pour Rhône-Alpes, le Piémont, et tout l’espace alpin, tant sur le plan de l’environnement que sur celui de la sécurité des traversées alpines et du développement des échanges entre la France et l’Italie. Pour ce qui est de la partie internationale du projet, le processus avance bien, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous sommes par contre très inquiets en ce qui concerne l’exploitation de la ligne historique et le développement de l’Autoroute Ferroviaire Alpine (AFA) d’ici l’ouverture du tunnel de base (Lyon-Modane-Turin).
La montée en puissance, dans les prochaines années, du trafic ferroviaire marchandises en général et de l’AFA en particulier sur cette ligne est essentielle pour démontrer la volonté et la capacité des gouvernements à inverser la tendance au tout routier, et par là même confirmer aux yeux de tous la nécessité de réaliser l’infrastructure nouvelle. L’objectif ambitieux annoncé par la SNCF est de tripler, d’ici 2015-2020, le trafic actuel de 6 millions de tonnes par an passant à Modane.
Notre inquiétude vient tout d’abord des difficultés rencontrées pour la réalisation des travaux d’élargissement du tunnel historique, en partie liées aux divergences entre techniciens des deux pays, ce qui non seulement occasionne des retards, mais risque de compliquer à terme l’exploitation du tunnel, qui se fait sous la responsabilité de l’Italie, et donc d’en limiter la capacité. Notre inquiétude est également grande en ce qui concerne l’avenir de l’AFA.
L’expérimentation initiée fin 2003 a été un succès à la fois technique et commercial, mais il faut maintenant transformer cet essai, et en réduire le coût pour la collectivité. Or nous constatons là aussi que peu de progrès sont réalisés : la fiabilité du service actuel s’améliore peu, et le lancement de l’appel d’offre pour un service en vraie grandeur à partir de 2009 prend beaucoup de retard. Des mesures concrètes pourraient pourtant être mises en oeuvre dès maintenant, comme par exemple l’amélioration de la qualité des sillons mis à disposition du trafic combiné, de nature à en favoriser le développement, en parallèle à la libéralisation du marché au niveau européen.
La définition d’un nouveau terminal en région lyonnaise pourrait également rendre plus compétitif, et donc plus attractif le service AFA et participer à sa relance après la fin des travaux actuels. Une autre idée, avancée lors des discussions entre opérateurs ferroviaires, est la création d’une société dédiée à la mise à disposition, de part et d’autre du tunnel, de locomotives de pousse pour faciliter le franchissement des très fortes pentes d’accès par les trains lourds.
Les difficultés constatées sont, bien naturellement, liées à des différences de façon de faire, et à des manques de coordination entre les acteurs des deux pays, mais surtout à l’absence d’une entité supranationale de type CIG susceptible d’arbitrer ces différents. Tant pour palier les difficultés rencontrées que pour mettre en oeuvre des mesures concrètes, il nous semble absolument nécessaire de mettre en place une vraie organisation de projet binationale, pour les travaux sur le tunnel historique et pour l’exploitation de la ligne, avec un processus de décision clair et reconnu, afin d’aboutir à des résultats en terme de report modal et de trafic fret entre nos deux pays.
L’enjeu est bien sûr pour nos deux Régions de réduire aussi rapidement que possible le trafic routier, mais surtout pour les gouvernements des deux pays que vous dirigez, de concrétiser rapidement aux yeux de nos concitoyens les volontés politiques que vous affichez de faire du report modal. Le prochain sommet de Nice devrait être l’occasion de traiter ce problème qui devient maintenant urgent.
Certains que vous saurez prendre rapidement les décisions qui s’imposent, nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Président du Conseil des Ministres, l’expression de notre très haute considération.
Mercedes Bresso, Presidente Regione Piemonte
Jean-Jack Queyranne, Président du Conseil régional Rhône-Alpes
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