A défaut de grosse baston météo, il y a une belle partie de castagne sur l'eau, dans cette Route du Rhum-la Banque Postale décidément peu avare en émotions. De grosses bagarres entre amis en quête du même Graal : une victoire dans la reine des transats.
Hier, c'était chez les grands monocoques que le combat rapproché ferraille en tête entre trois tourdumondistes aguerris : Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec), Jean le Cam (VM Matériaux) et Roland Jourdain (Sill & Veolia). A 1800 milles de l'arrivée, ces trois-là tiennent en 3 petits milles! Le grand blond et le roi Jean ont même navigué bord à bord hier matin. " Bilou ", lui, s'est offert un brin de causette avec son leader " Jipé " en direct à la vacation. Ils y ont tenté de s'expliquer comment le troisième homme, Jean Le Cam, avait pu revenir à leur niveau en si peu de temps. Mais les navigations de monsieur Le Cam ont parfois ce quelque chose de gracieux et d'impalpable qui fait les belles histoires marines. Jean est là et bien là, avec ses deux ennemis préférés. Du grand spectacle.
Mille milles devant ce trio infernal, chez les multicoques, la victoire va se jouer dans les 48 heures - déjà! Avec en tête un duel fratricide entre les deux derniers vainqueurs de la Transat Jacques Vabre : le toujours leader Lionel Lemonchoix (Gitana 11) et Pascal Bidégorry (Banque Populaire). Ce dernier donne tout pour tenter de combler son retard de 130 milles, sans oublier d'avouer un bonheur sincèrement touchant. La journée a été dure en revanche pour le tenant du titre Michel Desjoyeaux. On a appris l’après-midi que son trimaran Géant prenait l'eau par le puis de foil tribord, avarie qui ne mettait pas en danger le multicoque mais obligeait son skipper à pomper régulièrement et lui faisait perdre irrémédiablement du terrain. Chez les multis 50', le Crêpes Whaou! de Franck-Yves Escoffier n'avait quasiment plus que lui-même comme adversaire pour une troisième victoire dans le Rhum dans sa catégorie. Franck-Yves a 300 milles d'avance... En 40 pieds, Gildas Morvan (Oyster Funds) domine devant le britannique Phil Sharp, mais Dominic Vittet (Atao Audio System) ne s'est arrêté que 25 minutes aux Açores pour changer son spi déchiré avant de se relancer dans la bagarre, à 2200 milles de l'arrivée. Pointe-à-Pître où, dès lundi donc, on devrait accueillir le premier grand multicoque de cette édition 2006.
Multicoques 60' Orma : Gitana 11 sur la ligne dans moins de 48 heures?
Les deux complices vainqueurs de la Transat Jacques Vabre creusent l'écart. Le Gitana 11 de Lionel Lemonchoix est toujours solidement installé dans le fauteuil de leader, tous les autres recalés derrière lui. Seul Pascal Bidegorry (Banque Populaire) limite son retard à 130 milles. Michel Desjoyeaux (Géant) perd du terrain : il pointe en 3ème position mais à déjà 230 milles, soit 90 de plus que voilà 24 heures. " On s'est bien recalés devant la flotte (...) j'arriverai dans grosso modo 48 heures ". Lionel Lemonchoix a toutes les raisons d'être satisfait. Sur son Gitana 11, il enfonce le clou. Une fois de plus, il a parfaitement géré son empannage de la nuit de vendredi et les écarts sont devenus de plus en plus pertinents au fur et à mesure que les multicoques se recalaient sur la route directe. Le seul finalement, à titiller un tant soit peu la tranquillité du menhir normand était Pascal Bidégorry, son compagnon de victoire dans la dernière Transat Jacques Vabre. " Ce matin, Pascal m'avait repris 10 milles et ça m'a un peu énervé ", confie Lemonchoix, qui n'a plus que 760 milles à courir avant l'arrivée, contre 890 pour Bidégorry et 991 pour le Géant de Michel Desjoyeaux. Info importante d’hier : Géant était handicapé par une fuite sur le puits de foil de son flotteur tribord qui l'obligea à pomper régulièrement. L'avarie ne mettait pas en danger le bateau et le skipper, mais explique les milles concédés. Le tenant du titre va devoir se battre au moins pour le podium. Pendant ce temps, Yvan Bourgnon (Brossard) tente une attaque au sud, espérant y trouver assez de vent pour compenser un déficit d'angle. Mis à part les trois premiers, tous ont encore plus de 1000 milles à courir, et on a beau répéter avec la météo que " le vent devrait mollir ", les vitesses des leaders restent impressionnantes : encore plus de 500 milles sur 24 heures pour Gitana 11 et Banque Populaire... Même en admettant que cette moyenne " chute " à 400 milles, le record de Laurent Bourgnon va être pulvérisé de trois jours et tomber probablement sous la barre des 10 jours, autour de 9. C'est dire le plaisir immense des pilotes, confirmé par Thomas Coville - pour qui " rien n'est fini, on a déjà vu des avances de 200 milles fondre sur l'arrivée... " - et surtout hier par un Pascal Bidégorry exceptionnellement lyrique : " c'est ma première Route du Rhum et tout est parfait, je suis content de ce que je fais, fier du boulot qu'on réalise. J'en ai même des sanglots quand j'y pense... je suis heureux voilà, tout simplement heureux ".
Monocoques Imoca : un fauteuil pour trois
Incroyable scénario ! Tout reste à faire à moins de 1800 milles de l'arrivée. Après six jours de mer, le trio de tête se tient en moins de 3,2 milles ! D'un pointage à l'autre, les positions varient et les écarts se réduisent. A midi, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) devançait Jean Le Cam (VM Matériaux) de seulement 0,5 mille ! Lors de la vacation de la mi-journée, les deux solitaires avouaient même s'être retrouvés à moins de 400 mètres l'un de l'autre à l'heure du petit déjeuner… Une rencontre plutôt inattendue après six jours de course ! Mais Roland Jourdain (Sill et Veolia), relégué à plus de 36 milles de retard suite à son option vers le sud au passage des Açores jeudi soir, n'avait pas encore dit son dernier mot. Bilou a signé un retour tonitruant hier, au point de remonter à la 2ème place au classement de 16h, à 1,2 mille de Jean-Pierre Dick. Repassé en 3ème position, Jean Le Cam s'est pour sa part calé dans le sillage de Dick à qui il a concédé près de 3 milles dans l'après-midi. Les deux hommes, qui ne se quittent plus, ont empanné simultanément bâbord amures et suivent une route sud-ouest convergente avec celle de Roland Jourdain, toujours tribord amures. Il n'était pas impossible que hier soir, ces trois-là se soit croisés de très près… Si cette bagarre à trois est passionnante à suivre depuis la terre, il semble qu'elle met les nerfs des trois protagonistes à rude épreuve. Fatigues physique et nerveuse commencent à se ressentir. D'autant qu'une traversée de dorsale anticyclonique avec des vents très faibles pourrait bien redistribuer les cartes dans les trois prochains jours. De quoi mettre les nerfs à vif et faire bouillonner les cerveaux !
Monocoques Classe 40 : une situation complexe
Les grandes vitesses de ces derniers jours ne seront bientôt plus qu'un joli souvenir de sensations vibrantes. Une zone sans vent se profile en effet pour la flotte des monocoques 40'. En tête, Gildas Morvan (Oyster Funds) et Phil Sharp (philsharpracing.com) ont choisi de se positionner au nord en passant bien au large des Açores. Derrière, d'autres ont préféré miser sur une option plus sud. C'est notamment le cas de Joe Seeten (TMI Technologie) et Yvan Noblet (Appart'City), au coude à coude depuis plus de 48 heures, mais aussi de Dominic Vittet. Rappelons que hier matin vers 11 heures, le skipper d'Atao Audio System faisait une escale technique à Horta où il ne s'est pas attardé plus de 25 minutes, juste le temps pour lui d'embarquer son nouveau spi. L'heure est donc au choix. " Ce que vont faire Morvan ou Sharp va donner une bonne indication, a commenté Gwenc'hlan Catherine (Tchuda Popka 2). Apparemment, tout le monde à l'air d'avoir basculé vers le sud ". Les solitaires ont en effet commencé à anticiper sur la dépression qui les attend sur la route la semaine prochaine. D'ailleurs, les trajectoires devraient largement diverger dans les jours qui viennent car des options plus prononcées seront possibles : aller chercher des vents de nord en partant à l'ouest ou faire le pari de conserver un peu d'alizé en plongeant au sud.
Multicoques Classes 2 et 3
Multis 50 pieds : Ils filaient sous la pleine lune
" C'est le pied, ça va mieux, j'adore ça… " Ils sont unanimes ou presque, c'est pour vivre de tels moment qu'ils participent à la Route du Rhum – La Banque Postale. Un bonheur qu'Anne Caseneuve (Le Bon Marché Rive Gauche) ne partage plus depuis quelques heures, le safran de son trimaran est brisé. Le Bon Marché Rive Gauche n'est plus manoeuvrant et dérive vers Horta aux Açores. Crêpes Whaou s'est échappé et n'est plus confronté aux mêmes casses têtes météorologiques que ses petits camarades de classe : il faut trouver le bon couloir pour mettre le cap au sud, vers les Antilles. Le vent, qui a mollit et tourné à l'Est/Nord Est en fin de journée, certains avaient déjà empanné quand d'autres continuent à l'ouest.
Monocoques Classes 1, 2 et 3
Ville de Dinard, TAT Express et Antilles-Sails.com en parallèle Jeunes Dirigeants mène toujours la flotte des classes 1 monocoques, maintenant toujours une centaine de milles entre son bateau en aluminium et ses trois poursuivants.
Monos Classe 2 : Servane Escoffier (Vedettes de Bréhat Cap Marine), 2ème, s'accroche à une centaine de milles du leader, Kip Stone (Artforms), et a creusé un peu l'écart avec Luc Coquelin (Cap Guadeloupe 971), à 80 milles derrière. Le 4ème et dernier concurrent, Denis Douillez (AOI Solidarité Internationale) accuse désormais plus de 430 milles de retard.
Mono Classe 3 : Aurélia met la pression
Aurélia Ditton (Dangerous When Wet) est à 245 milles de l'apparemment intouchable Roaring Forty. " J'ai un bateau polyvalent, ce ne sont pas les conditions idéales pour le faire marcher, mais je veux que Michel Kleinjans sente que je suis là, derrière et que je déteste me faire distancer. En plus, j'ai hâte de voir le soleil, donc, j'appuie sur l'accélérateur… "
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