Les religieux persécutés en Savoie
22 septembre 1792
Une armée de révolutionnaires français, commandée par Montesquiou, envahi la Savoie qui devient le département du Mont-Blanc (le 27 novembre 1792). Le gouvernement révolutionnaire détient l’autorité suprême, et lance en janvier 1794 une virulente réprimande contre les Religieux de Savoie…

L’organe principal est le Comité de Salut Public, composé de 12 membres, sous la direction de Robespierre : une dictature à 12 têtes.
C’est le régime de la Terreur : « il faut gouverner par le fer ceux qui ne peuvent l’être par la justice », déclare Saint-Just, membre de ce comité.
L'objectif
Sauver la République en abattant les ennemis de la Révolution ; parmi ceux-ci, les nobles et les prêtres.
Pour organiser le gouvernement révolutionnaire dans toute la France, la Convention envoie dans les départements, comme aux armées, des représentants en mission.

Janvier 1794
Dans notre région, elle nomme « représentant du peuple en mission dans les départements de l’Ain et du Mont-Blanc » Antoine Louis Albitte, né à Dieppe, député à la Convention.

Albitte décrète la destruction de toutes les cloches des églises de Savoie
Pour les artisans de la République, l’idée de se servir des cloches se fait jour, notamment grâce au politicien Hébert, à partir du 13 décembre 1790. Dans son journal, le Père Duschène, il insiste sur le fait qu’il faut « vendre au plus tôt ces instruments inutiles pour en faire de la monnaie et des canons« .
Le député Albitte applique la règle et s’acharne dans la lutte antireligieuse sur son nouveau territoire. Dans l’arrêté du 26 janvier 1794 (7 pluviôse an II), il ordonne que tous les objets religieux qui se trouvent dans les églises ou au dehors, sur les routes ou les places publiques, soient sans délai ou enlevés ou anéantis.
Que tous les objets religieux (...) soient sans délai ou enlevés ou anéantis...
Antoine Louis Albitte
Cela concerne aussi les clochers qui seront décapités et les cloches qui seront descendues pour être fondues en canons ou en pièces de monnaie.
On lui attribue les surnoms de « Robespierre savoyard » et de « Tigre de l’Ain ».
Appel à la dénonciation des prètres
Dès le lendemain, il publie l’arrêté du 27 janvier 1794 (8 pluviôse) qui concerne tout le clergé, insermenté ou assermenté.
Cet arrêté compte 6 « considérations » et 11 articles. Les arrêtés d’Albitte mettent fin au culte constitutionnel et, à partir de ce moment, tout culte cesse dans les paroisses ; quelques prêtres, peu nombreux, exercent secrètement leur ministère.
Si l’on prend l’exemple de la Maurienne, à la fin de janvier 1794, la plupart des prêtres ont pris le chemin de l’exil ; sept ont signé la formule d’apostasie (déprêtrisation) ; quatre restent et refusent de signer, ils sont incarcérés à Chambéry ou à Saint-Jean-de-Maurienne .

L’arrêté du 27 janvier pris par Antoine Louis Albitte, extraits.
Arrêté du 8 pluviôse an II. En nom du peuple français, Albitte, considérant les malheurs enfantés en tout temps et en tout lieu par le fanatisme, par les vices et crimes trop communs des prêtres, considérant leurs constants efforts pour arrêter l’élan sublime du peuple vers la liberté, considérant l’insolente et scélérate hypocrisie avec laquelle ils cherchent à conserver surtout dans les départements de l’Ain et du Mont -Blanc le fatal crédit qu’ils avaient usurpé sur les esprits simples,
Arrête ce qui suit :
1. Chaque municipalité dans l’étendue des départements de l’Ain et du Mont-Blanc est requise d’envoyer dans le délai de 3 jours la liste des individus connus vulgairement sous le nom de prêtres.
2. Ces listes porteront le nom et surnom de chacun, son âge, lieu de naissance et domicile, s’il est marié ou célibataire, s’il exerce publiquement un culte quelconque et quelles sont les propriétés qu’il peut avoir dans la commune.
3. Ceux de ces prêtres qui auront abdiqué leurs prétendues fonctions présenteront les preuves de leur abdication et déprêtrisation… ils se présenteront tous les 5 jours à ladite municipalité.
4. Les prêtres qui n’ont pas encore abdiqué leurs prétendues fonctions se rendront dans le délai de 24 heures dans le chef-lieu de district.
6. Quiconque aurait recélé chez lui un ou plusieurs prêtres est tenu de remettre celui ou ceux desdits recélés entre les mains des autorités.

Après la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), Albitte est remplacé par Gauthier, le 28 août. La persécution religieuse est moins violente. Il faudra quand même attendre le concordat signé à Paris, le 16 juillet 1801, pour retrouver la paix religieuse.
La fin de la persécution est amère pour les savoyards qui n’ont plus de clochers, ni de cloches, même si un nombre non négligeable d’entre elles ont été cachées par les villageois ou parfois épargnées par les révolutionnaires.
S’en suit une forte demande de fabrication de cloches qui sera à l’origine de la création de la Fonderie Paccard.
C’est en 1796 que fut coulée la première cloche PACCARD, par Antoine Paccard, Fondateur de la Maison, pour l’église de Quintal, en Haute-Savoie.
paccard.com
Pour en savoir plus sur Albitte :
Méconnu parce que trop connu, tel est le destin de certains hommes propulsés aux avant-postes de l’histoire. Antoine-Louis Albitte (1750-1812) n’échappe pas à la règle. Que n’a-t-on dit et écrit sur lui ? Réputé iconoclaste, cruel et débauché, l’homme fut surnommé le » Satrape » ou encore le » Tigre de l’Ain « . Qui fut Albitte ? A t-il vraiment commis tous les forfaits qu’on lui prête ? Fut-il le jouet égaré d’une époque tourmentée ?
Historien de la génération montante, Jérôme Croyet a choisi de démêler l’écheveau de la légende pour retrouver la trame de la vérité événementielle; son portrait d’Albitte s’appuie sur des documents répondant à des exigences d’archiviste, et non pas sur les récits des mémorialistes, voire sur le folklore qu’entretient la légende. Ce livre s’attache à restituer l’image d’un homme enfoui sous sa mauvaise réputation.
Idée cadeau :
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